Lettre Hebdomadaire
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La Maïeutique

ou pourquoi Socrate a du boire la cigüe

Le 29 mai 2023

Pour ceux d’entre vous qui n’ont pas eu la chance de faire grec ou (voire et pour les plus fous) latin, la LH va étendre votre culture générale avec une astuce venue tout droit des temps antiques et qui vous assurera de faire chier tous vos amis.

Alors la maïeutique, c’est quoi, et qu’est-ce que Socrates vient faire ici ?

La maïeutique, du grec ancien μαιευτική, par analogie avec le personnage de la mythologie grecque Maïa, qui veillait aux accouchements, est une technique qui consiste à bien interroger une personne pour lui faire exprimer des connaissances. Plus simplement, ça consiste à poser des questions jusqu’à ce qu’on vous dise d’aller crever, en ne laissant aucun répit à l’interlocuteur. Voici un exemple de la vie quotidienne (attention il va falloir faire preuve d’un peu d’imagination) : votre meilleur ami vient de vous annoncer qu’il a (enfin) trouvé un petit ami (oui, tout le mode est gay, nous sommes en immersion en Grèce antique pour rappel). Voici une liste de questions que vous pourrez poser, dans l’ordre, et peu importe les réponses données, afin d’obtenir l’avis de cet ami sur l’Amour, avec un grand A.

  1. Est-ce que la vie, c’est mieux maintenant ?
  2. Qu’est-ce qui te fait dire ça ?
  3. Tu penses que ce sera douloureux la rupture ?
  4. Pourquoi ?
  5. Mais tu vois ton futur avec cette personne ?
  6. Donc c’est de l’amour, ou de l’Amour ?
  7. Comment tu peux savoir ?

Notez que vous n’avez jamais demandé son nom ou comment ils s’étaient rencontrés, parce que la maïeutique c’est pas du small talk pour gens sympas. Vous ce que vous voulez, c’est la Vérité. Osef de vos amis.

Et Socrates, dans tout ça ? Eh bien figurez-vous que c’est lui, le papa de cette technique exquise de torture psychologique. Il en a même fait sa spécialité, au point que Platon en a écrit des livres entiers, à l’époque où le papier coûtait vachement cher (en moyenne une drachme et quelques oboles, soit plus de 120 euros par feuille de papyrus).

A force d’aller voir les élites d’Athènes pour les faire passer pour des bouffons avec des questions incessantes, une poignée d’entre eux s’est liguée pour faire tomber Socrates. Il est condamné sur les chefs d’accusation “corrompre la jeunesse” (lisez : se moquer des élites avec une bande de jeunes gens) et “impiété” (c’est-à-dire ne pas respecter les autorités religieuses), et il aurait pu s’en sortir à meilleur compte que la peine de mort s’il n’avait pas choisi de se payer la tête des bouleutes une dernière fois, pour le kiff.

Vous voulez essayer cette technique impunément ? Rejoignez la LH, on a besoin de reporters.