Comment j'ai passé mon week-end sans pass Navigo et sans téléphone
Certains hallucineront en lisant ce titre : mais comment a-t-il fait ? D’autres plein de mépris se feront la réflexion que ce n’est pas si impressionnant, et qu’il faut être un type globalement pas cool pour penser que c’est indispensable à la survie de posséder un téléphone et un pass Navigo. Il restera encore l’avis de la majorité : “Comment ? Comment est-ce que tu as pu penser que ça allait nous intéresser ?”
Je mets un peu de contexte pour commencer. On est vendredi soir et malgré le fait que je sois un énorme looser qui ne s’investit pas dans la vie télécommienne, je suis allé à la binouze de passation. “5€, c’est quoi ce délire ?” je me suis demandé. Ce à quoi le community manager de Flambed m’a répondu “Un avortement c’est gratuit et pourtant t’es là”. Bref, le prix tout à fait abordable en réalité m’a permis pendant une soirée de boire beaucoup d’alcool, notamment la vénérable chouffe.
Un prix tout à fait abordable qui avait pourtant une solide concurrence la soirée inter-asso Federez organisé par nos amis les geeks super cools de Rezel. Ils avaient prévu beaucoup trop de consommables pour le nombre d’invité. Bières gratuites et en plus il y avait du cake chèvre tomate. Comment ? Comment des gens aussi cool que toi mon noble lecteur a pu ne pas être invité à cette festivité ? C’était l’un des notables avantages de traîner parmi les gens qui puent de la LudoTech. Hé oui, je pue et je ne suis pas quelqu’un de cool mais j’ai eu du cake gratuit.
En somme tout ce qui se rapprochait d’une excellente soirée dont on parlerait encore pendant des âges. On pourra reprocher éventuellement aux nouveaux barmen d’avoir été quelque peu hésitant sur les premières pintes de Chouffe, je ne le ferai pas car j’adore les gens du bar qui me servent des pintes alors qu’ils sont même pas payés pour le faire et qu’en plus je paye pas la conso. En magnitude de khalass, évalué sur une échelle quasi-logarithmique, on pourrait par exemple donner six au bar. Ce qui est parfaitement honorable si on fait la conversion sur l’échelle de Richter, on a probablement eu des morts par effondrement quelque part. Mais attendez de voir TSM qui a tout bonnement atteint à son pic une magnitude sept, de quoi tuer plusieurs familles innocentes, et sinon laisser une trace durable sur la ville.
On notera le faible nombre de personnes venues vibre sur Rasputin de Boney M. Des gens de peu de culture, ou bien des gens occupés à faire des trucs plus cools. Mais si vous trouvez quelque chose de plus cool que de danser sur du Boney M avec cinq pelos à tout casser, hé bah bravo, vous êtes littéralement le maître du cool selon moi.
Bref, moi, de toute façon, excepté sortir pour piquer du cake à Rezel ou aller aux toilettes, ou aller chercher une bière, je reste tapis dans ma LudoTech où on a globalement joué à des jeux de société et fait des karaokes. S’il vous plaît, ne me jugez pas, je suis un puant.
Une soirée plus tard, la sécurité nous invite à dégager. Moi, je suis plus trop net non plus et je crois avoir laissé mon téléphone charger sur une table. Bingo, je le prends illico et je taille fissa. Hop, j’essaye d’allumer mon téléphone pour aller à ma résidence à Bures-sur-Yvette. J’ai une bonne cinquantaine de minutes à marcher dans le noir, sur des routes où si un tueur passe, je suis cuit et personne ne le saurait. Ah, nice, ce n’est pas mon téléphone. Tout le monde rentre, personne ne peut m’aider, je suis un homme perdu sur le plateau, sans téléphone. [ajouter musique dramatique]
Grosse chance, je tombe sur Pierre*. La majorité du temps, je n’aurais pas été si content de le voir mais là oui. Il m’héberge temporairement. Puis, on se dit que je vais attendre 6h pour avoir mon train vers Bures. Il est 4h30… Qu’est-ce qu’on fait ? On se fait un petit Netflix & Chill devant Creed. Je ne pourrai pas vraiment vous dire si j’ai aimé le film. Manifestement, d’après mon historique Netflix, je l’ai regardé jusqu’à 1h23. Moi, j’ai littéralement fermé les yeux et je me suis réveillé comme si j’avais pêché avec Pierre ce soir-là. (ce n’est pas arrivé) Bref, je file pour chopper mon train. Arrivé devant la station, je me rends compte que je n’ai plus ma Navigo. Et là, je commence à vriller. Perdre mon téléphone, bon ok. Mais perdre ma Navigo, c’est littéralement le seul truc qui permet de ne pas être bloqué à chaque instant dans ma chambre et me déplacer dans toute l’Île de France.
Je dois rentrer chez mes parents, 2h de transport sans téléphone et en fraudant absolument toutes les étapes. Croyez-moi, ça allait être long. Déjà, attendre 20 minutes le RER m’a tendu comme pas possible. Je me rends compte que sortir de son téléphone, c’est un peu comme sortir d’une bulle. Franchement, je suis pas le couteau le plus affuté du tiroir mais quand tu n’utilises pas ton téléphone dans le RER et que tu regardes tous ces gens comme des enfants atteints de trouble de l’attention à taper de partout sur leur tablette VTech. Limite, j’en ai vu deux trois bavés d’inattention, se reprendre et scruter autour d’eux si jamais un autre individu de l’espèce humaine les avait remarqué. Il s’en suivait un eye contact avec ma personne, puis une décomposition de honte et un retour à l’activité profondément abrutissante qu’il faisait jusque-là. Un poisson a une mémoire de trois secondes, ces personnes ont une mémoire de trois applications. Il passe de Tiktok à Instagram, d’Instagram à Twitter et de Twitter à Tiktok. Ce qui m’a profondément gêné, c’était de me voir, il y a une journée à peine en train de scroller dans tous les sens sur mes applications favorites. Je donne le prix du meilleur zombiedroid au lycéen qui était en plein speedrun activités sur le téléphone. Il a fait toutes les stories puis tous les messages qu’il avait sur Instagram en cinq secondes, en likant les messages !
Je suis rentré chez moi, épuisé et un peu honteux. J’ai toujours pas mon téléphone, ni même mon pass mais bon ça attendra.